mardi 6 avril 2021

Les morts de la guerre de Sept Ans à l'Hôpital-général de Québec

Bonsoir!

À la mi-août 2014, j'ai quitté ma ville d'origine, Lyon, pour venir poursuivre au Québec mes études supérieures en Histoire. En arrivant dans la ville de Québec, j'ai entamé mon acclimatation à ma nouvelle ville par une découverte de l'environnement rapproché de mon logement, qui se trouvait alors dans le quartier Saint-Sauveur. En flânant sur Internet à la recherche de lieux d'intérêts dans le quartier, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir qu'à moins de dix minutes à pied de chez moi se trouvait la tombe du marquis de Montcalm, le commandant des troupes de terre françaises au Canada pendant la guerre de Sept Ans! Ma présence au Québec étant motivée par l'étude de ce conflit, je ne pouvais qu'avoir hâte de découvrir cet endroit!

Toutefois, en allant visiter le cimetière de l'Hôpital-Général de Québec, qui abrite la tombe de Montcalm, j'ai été particulièrement ému en découvrant qu'il renferme également le Mémorial de la guerre de Sept Ans. Ce lieu, unique au monde, contient les dépouilles dans des fosses communes de plus d'un millier de militaires victimes de cette guerre.

Le Mémorial de la guerre de Sept Ans au cimetière de l'Hôpital-Général de Québec
Photo: Michel Thévenin, août 2014


Le Mémorial de la guerre de Sept Ans a été inauguré le 11 octobre 2001, lors d'une cérémonie officielle au cours de laquelle les restes du marquis de Montcalm, alors conservés dans la chapelle des Ursulines de Québec, ont été transférés dans un mausolée construit à cet effet dans le cimetière de l'Hôpital-Général (je vous joins ici un lien de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoire communs au sujet de cette cérémonie).


Quelques mois plus tôt, en avril 2001, l'instigateur du projet, Jean-Yves Bronze, publiait aux Presses de l'Université Laval un livre mettant en valeur ce lieu exceptionnel par son témoignage unique de la guerre de Sept Ans. C'est ce livre que je souhaite vous présenter ici pour souligner les vingt ans de sa publication (vous pouvez accéder à la page de présentation sur le site des Presses de l'Université Laval en cliquant sur l'image ci-dessous).



Les morts de la guerre de Sept Ans au Cimetière de l'Hôpital-Général de Québec, d'environ 200 pages, est divisé en deux grandes parties. La partie historique est certes assez restreinte (une vingtaine de pages), mais elle est tout de même très intéressante. L'auteur fait en effet un survol de l'histoire de l'Hôpital-Général de sa création en 1692 au début des hostilités menant à la guerre de Sept Ans au milieu des années 1750. Il propose également un bref récapitulatif du déroulement de ce conflit, en replaçant la "guerre de la Conquête", soit la partie nord-américaine de la guerre, dans le cadre plus vaste de la guerre de Sept Ans (je vous invite à lire mon article sur la question des dénominations du conflit). C'est tout de même relativement rare de voir une telle démarche dans les ouvrages publiés au Québec avant la fin des années 2000, puisque c'est justement le cycle de commémorations du 250e anniversaire de la guerre de Sept Ans, entre 2009 et 2013, qui a mis en lumière le besoin de sortir des visions trop localisées de ce conflit qui jusque là prévalaient. Jean-Yves Bronze présente également la transformation de la mission de l'Hôpital-Général, utilisé par la force des choses comme hôpital militaire entre 1755 et 1760.

Le gros de l'ouvrage, et son but premier, est un répertoire biographique des militaires enterrés pendant la guerre de Sept Ans au sein du cimetière de l'hôpital. Plus exactement, il s'agit des notices biographiques des militaires enregistrés par les Augustines entre le 23 juin 1755 et le 8 septembre 1760, ce qui représente plus d'un millier d'individus français, canadiens ou britanniques. On peut regretter l'absence d'Autochtones (à l'exception de deux à la page 112), qui ont eux aussi participé activement au conflit et aux batailles et sièges de Québec de 1759 et 1760, mais à ma connaissance, aucun registre les concernant et permettant de les identifier individuellement n'a hélas été constitué par les religieuses.

On trouve donc sur une petite centaine de pages des notices biographiques assez courtes sur des soldats des régiments des troupes de Terre, des compagnies détachées de la Marine, mais aussi sur des marins ayant servi à bord des vaisseaux français à Québec ainsi que sur des miliciens canadiens, ou encore sur quelques prisonniers de guerre britanniques décédés à Québec. Les informations sont parfois lacunaires (se limitant pour certaines notes au nom et à la date de décès de l'individu), mais sont le reflet des sources très étendues mobilisées par l'auteur il y a vingt ans. Ce livre peut être utilisé de manière complémentaire avec des outils plus récents comme la base de données des soldats et sous-officiers des troupes de la Marine au Canada, créée par l'historien Rénald Lessard et hébergée sur le site de la Société de généalogie de Québec (voir ici). 

Les informations concernant les soldats des troupes de Terre sont généralement plus fournies, les sources administratives des régiments étant plus nombreuses, mais là aussi, il ne s'agit que des individus décédés à l'Hôpital-Général de Québec et enterrés dans son cimetière. Il faut alors pour aller plus loin se tourner vers le colossal ouvrage issu du Projet Montcalm, mobilisant entre 2006 et 2009 une équipe impressionnante de chercheurs français et canadiens. L'ouvrage Combattre pour la France en Amérique réunit ainsi les notices biographiques de plus de 7500 soldats et officiers des troupes de Terre ayant servi en Nouvelle-France pendant la guerre de Sept Ans.

Enfin, l'auteur a intégré à son ouvrage une section particulière (pages 113-119) consacrée aux chevaliers de Saint-Louis, le cimetière de l'Hôpital-Général abritant la plus grande concentration au monde de dépouilles de membres de ce prestigieux ordre militaire créé par Louis XIV pour récompenser les services militaires de sa noblesse.

Jean-Yves Bronze a garni son livre d'une riche iconographie reprenant les dessins d'artistes reconnus dans le domaine de la représentation de militaires du 18e siècle comme Francis Back, Gerry Embleton, Eugène Lelièpvre ou encore Michel Pétard.

En somme, c'est un joli petit livre bien loin d'être dépassé malgré vingt années de recherches et un très fort renouveau historiographique concernant l'étude de la guerre de Sept Ans. Les morts de la guerre de Sept Ans à l'Hôpital-Général de Québec reste un outil précieux pour évoquer les conséquences humaines de ce conflit mondial.


À bientôt pour de nouveaux billets historiques!

Michel Thévenin


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