vendredi 10 juin 2022

325e anniversaire de la naissance de Louis Franquet

Bonjour!


Je vous propose aujourd'hui un article pour souligner le 325e anniversaire de la naissance de Louis Franquet (ou Louis-Joseph), le 10 juin 1697, à Condé (actuelle ville de Condé-sur-l'Escaut, dans le nord de la France).

N'ayant pas le temps (ni le courage) de me lancer dans une biographie détaillée du personnage, je me contenterai ici de quelques éléments importants pour présenter cet individu qui fut l'un des principaux ingénieurs militaires en poste en Nouvelle-France pendant la guerre de Sept Ans.

Fils et frère d'ingénieurs militaires (au moins deux frères dont un est envoyé en Louisiane au début des années 1720 avant de suivre une carrière ponctuée de fonctions importantes en France), Louis Franquet suit également une voie militaire, puisqu'il participe dans des régiments d'infanterie aux dernières années de la guerre de Succession d'Espagne (1701-1714).

Il obtient son brevet d'ingénieur en 1720, et fait partie de la première promotion d'ingénieurs depuis 1715, le recrutement ayant été fermé pendant cinq ans en raison des effectifs rendus trop nombreux par la paix.

Les trente années qui précèdent son envoi en Nouvelle-France lui permettent d'acquérir une très forte expérience du métier d'ingénieur, dans les deux parties qui le composent, à savoir le service des places (construction et entretien des fortifications) et le service de guerre (attaque et défense des places). Je vous invite à lire mon article sur le sujet de cette double fonction des ingénieurs pour en savoir plus. Il connaît donc diverses affectations dans des villes du nord de la France, étant notamment nommé ingénieur en chef de sa ville natale, Condé, en 1738. Il participe également de manière très active aux campagnes des guerres de Succession de Pologne (1733-1738) et de Succession d'Autriche (1741-1748), servant au cours de ces deux conflits à au moins quatorze sièges et trois batailles. Il sert entre autres au terrible siège de Berg-op-Zoom de 1747, qui a marqué les contemporains par sa longueur et sa violence (voir mon article ici).

C'est fort de cette très solide expérience qu'il est envoyé une première fois en Nouvelle-France en 1750, dans le contexte de la "paix armée" entre Français et Britanniques en Amérique du Nord. Sa mission d'inspection des fortifications de la puissante forteresse de Louisbourg (Île du Cap-Breton) et de Québec en est également une, plus officieuse, de surveillance et de contrôle de l'ingénieur en chef de la Nouvelle-France, Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry, de plus en plus contesté par les autorités canadiennes (tant en raison de son âge que de sa conduite sur diverses affaires de malversations financières liées aux fortifications).

Après un bref séjour en France en 1753, Franquet retourne une nouvelle fois en Amérique, à Louisbourg, en 1754, alors que les tensions avec les Britanniques se font de plus en plus fortes. Doté du titre de directeur des fortifications de Nouvelle-France (donc principal ingénieur de la colonie), il est l'un des principaux interlocuteurs des autorités militaires de la colonie. Il reçoit même des instructions secrètes faisant de lui le successeur du gouverneur de Louisbourg si celui-ci décédait. Les hostilités débutées en 1755 et la guerre déclarée en 1756 font de Louisbourg une cible potentielle des Britanniques, et Franquet reste en poste dans la forteresse jusqu'à sa chute en 1758, sans avoir la possibilité de retourner au Canada (ce qui ne l'empêche toutefois pas en 1757 de faire jouer son influence pour favoriser la nomination de Pontleroy comme ingénieur en chef de la Nouvelle-France en succession de Chaussegros de Léry, décédé en mars 1756).


Plan de la ville de Louisbourg en l'Isle Royale, par l'ingénieur Louis Franquet, 1756, 
FR ANOM C11B 39/125












Sa seconde affectation à Louisbourg est marquée par le contexte difficile de la guerre de Sept Ans, rendant les communications avec la France (et l'approvisionnement) aléatoire et soumis à la pression de plus en plus accrue des Britanniques. La défense de Louisbourg entre 1754 et 1758 est également affaiblie par les rivalités internes à la garnison. Franquet est en effet fréquemment contesté par certains officiers des régiments d'infanterie, jaloux de son influence auprès du gouverneur avec qui l'entente est très bonne. L'ingérence des officiers dans les attributions et compétences de l'ingénieur militaire sont toutefois symptomatiques de la relation qu'entretiennent tout au long du XVIIIe siècle les ingénieurs français avec le reste de l'armée, leur expertise scientifique et technique étant souvent mal comprise par les officiers d'infanterie, qui jugent de plus avec un certain mépris les ingénieurs, officiers ne commandant pas de troupes et donc considérés comme "moins légitimes" à leurs yeux.

Lors du siège de 1758, Franquet, très affaibli par une maladie, n'assure que nominalement ou presque le commandement des ingénieurs, la direction effective de leur travail étant dévolue à l'ingénieur François-Claude-Victor Grillot de Poilly. Franquet participe tout de même aux conseils de guerre où il est souvent contesté par les officiers d'infanterie (au point d'être volontairement écarté par eux lors du conseil de guerre suivant le débarquement des Britanniques, Franquet étant très critique de leur conduite à cette occasion).

Après la capitulation de la ville, Franquet retourne en France où, malgré l'appui du gouverneur concernant la défense de la forteresse, il est plus ou moins mis en retraite, son âge et son état physique permettant "d'enterrer" les critiques faites par ses adversaires. On ne sait rien ou presque des dernières années de sa vie, si ce n'est qu'il meurt à Condé, le 12 avril 1768.


L'envoi de Franquet en Nouvelle-France au début des années 1750 coïncide avec la volonté des autorités métropolitaines d'assurer une plus grande rigueur et une meilleure gestion des fortifications de la colonie, dans un contexte où la guerre de Succession d'Autriche tout juste achevée a montré l'européanisation progressive des conflits coloniaux. Les compétences et l'expérience de Franquet au cours de sa longue carrière en France, tant dans le service des fortifications que dans leur attaque et leur défense, faisaient de lui un candidat tout désigné pour cette tâche. 


Si vous souhaitez en apprendre plus sur cet important personnage des dernières années de la Nouvelle-France, je vous invite à consulter les différents articles le concernant sur mon blogue (vous pouvez les trouver via la liste des sujets à droite). 

Vous pouvez également consulter sa biographie disponible sur le Dictionnaire biographique du Canada en ligne. Elle est certes ancienne et un peu imprécise et/ou incomplète par endroits, mais très bonne dans l'ensemble.


J'espère que cet article vous aura plu. Si c'est le cas, merci de m'en faire part en commentaire, c'est une marque appréciée d'encouragement.

À bientôt pour de nouveaux billets historiques!

Michel Thévenin


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