samedi 24 novembre 2018

Entre enthousiasme et panique: le "Royal-Syntaxe" à la défense de Québec (1759)

Bonjour à toutes et à tous!

Petit sujet insolite pour ce soir, qui vient du siège de Québec de l'été 1759.

Au cours du mois de juin, alors que l'arrivée des Britanniques devant Québec est imminente, les préparatifs s'intensifient pour assurer la défense de la capitale de la Nouvelle-France. Le marquis de Montcalm, commandant les troupes françaises, note dans son journal de campagne en date du 21 juin l'effort apporté par les civils Canadiens pour la défense de la ville. Parmi les différents corps de milice mobilisés par les autorités, on trouve notamment une compagnie de 35 étudiants du Collège des Jésuites, qui se sont portés volontaires malgré leur totale inexpérience militaire. Montcalm relève que des "mauvais plaisants" ont donné le nom de "Royal-Syntaxe" à cette troupe d'enthousiastes étudiants. Je n'ai hélas pas pu trouver dans les sources d'éléments indiquant à qui attribuer cette appellation pour le moins cocasse. Je me permets seulement de noter que plusieurs officiers, Bougainville en tête, sont assez friands de ce type de traits d'esprit. Le nom de "Royal-Syntaxe" fait référence aux noms portés par certains régiments de l'armée française, pour lesquels je m'accorderai une courte digression.

Les régiments français de l'armée d'Ancien Régime comportaient plusieurs catégories de dénomination. Un régiment pouvait porter le nom d'une province du royaume (plus fréquent dans l'infanterie), on trouve ainsi par exemple des régiments de Navarre, d'Aquitaine, de Bourgogne, et pour les troupes combattant en Amérique avec Montcalm les régiments de Béarn, Berry, ... Il pouvait également porter le nom de son propriétaire; régiment de Penthièvre, régiment de Biron, ou encore régiment de Montcalm-cavalerie (créé par le marquis de Montcalm lors de sa carrière européenne). Enfin existaient les régiments dits "royaux", dont le roi était directement propriétaire. On retrouve sous ce nom des régiments étrangers (Royal-Écossais, Royal-Suédois) mais également français comme le Royal-Roussillon, qui a combattu en Nouvelle-France. 

Pour revenir au siège de Québec, le nom de "Royal-Syntaxe" donné aux étudiants du Collège des Jésuites est sans doute une pique dédaigneuse lancée à l'enthousiasme débordant de ces jeunes gens qui se rêvent les défenseurs ardents de la ville.

Hélas pour eux, la seule action militaire où l'on sait que ce "Royal Syntaxe" est intervenu a tourné au fiasco total. Les Britanniques arrivent devant Québec le 27 juin, et décident d'occuper les hauteurs de la Pointe-Lévis, sur la rive sud du Saint-Laurent, face à Québec, afin d'y ériger des batteries d'artillerie destinées au bombardement de la ville. Le 11 juillet, des notables canadiens demandent au gouverneur Vaudreuil l'autorisation de monter un corps de volontaires pour traverser le fleuve et expulser les assiégeants de Lévis. Le détachement réunit environ 1500 hommes, parmi lesquels on retrouve des soldats des troupes régulières, des Amérindiens, et des miliciens, parmi lesquels nos héros du Royal-Syntaxe. Au soir du 12 juillet, la troupe franchit le fleuve et se dirige vers les positions britanniques. Une source française hélas anonyme relate sans complaisance l'échec de l'expédition:
''Après qu'on eut marché quelques temps, des hommes de la queue voulant gagner la tête, prirent sur les côtés par dedans le bois, et lorsqu'ils revinrent à joindre le gros, des écoliers les prirent pour des ennemis, et les fusillèrent. Il y eut un homme tué et deux blessés. Sur cette fusillade une terreur panique s'empara de tous les Canadiens; par les vives représentations des officiers ils parurent reprendre courage et se remirent à marcher, mais lorsqu'ils furent arrivés à une petite distance de la redoute qui couvrait la batterie, qui faisait l'objet de leur mission, la terreur les reprit, et rien ne fut capable de leur ranimer le courage; ni les prières, ni les menaces des officiers. Nombre jetèrent leurs fusils et leurs haches, et se mirent à courir pour gagner les bateaux, et à six heures du main tout le détachement avait repassé le fleuve".
C'est sur cette déroute que se termine cet article, tout comme la (trop courte) carrière du Royal-Syntaxe. À bientôt!
Michel Thévenin.

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