jeudi 25 juillet 2019

Louisbourg, "Gibraltar d'Amérique"?

Bonsoir!

Je vous partage aujourd'hui une petite vidéo sur laquelle je suis tombé par l'intermédiaire d'une amie (merci Cathrine Davis!), et qui présente de fort belle manière (quoique rapidement) l'histoire de la forteresse de Louisbourg, érigée au début du 18e siècle par les Français sur l'Île Royale, l'actuelle Île du Cap-Breton.

Même si on dispose de superbes cartes et plans des différentes étapes de la construction de la forteresse (ainsi que de ses différents sièges par les Britanniques), je trouve que la modélisation 3D que nous offre cette vidéo permet de visualiser encore plus nettement la puissance de cette place forte.



Plan de la ville de Louisbourg, 1756, Archives nationales d'outre-mer

Voici la vidéo en question:



La forteresse de Louisbourg présentait sans conteste l'ensemble de fortifications le plus considérable en Amérique du Nord au 18e siècle. Répondant en tous points aux standards de construction des places-fortes européennes, elle avait été pensée pour pouvoir résister à un siège, du moins suffisamment longtemps pour que des secours puissent arriver, ce qui n'était pas le cas de la plupart des forts en Nouvelle-France.

De plus, par son emplacement, elle occupait un rôle éminemment stratégique, celui de "contrôler" l'entrée du fleuve Saint-Laurent. L'importance de ce rôle a été tour à tour surestimé et négligé par divers historiens. Par exemple, en 1983, l'historien François Caron avait même comparé Louisbourg à la forteresse britannique du rocher de Gibraltar, au sud de l'Espagne, qui contrôle le détroit séparant la mer Méditerranée de l'océan Atlantique: "Louisbourg, comme Gibraltar pour la Méditerranée, était le verrou de la Nouvelle-France. Protéger Louisbourg, c'était défendre toute la colonie".

L'affirmation de Caron, reprenant les impressions de certains contemporains du 18e siècle (pas tous, loin de là), a tendance à surestimer l'importance de Louisbourg dans le dispositif de défense de la Nouvelle-France. En 1750, Roland-Michel Barrin de La Galissonière, ancien gouverneur par intérim de la Nouvelle-France entre 1747 et 1749, rédige un Mémoire sur les colonies de la France dans l'Amérique Septentrionale, dans lequel il présente (entre autres) les enjeux stratégiques pour la défense de la colonie. Concernant Louisbourg, même s'il reconnaît l'importance et la puissance de la forteresse, il écrit cependant:
"On ne doit pas conclure comme il parait que plusieurs personnes l'ont fait dans la dernière guerre que la conservation du Canada dépende absolument de celle de Louisbourg. On a éprouvé que le Canada pouvait se soutenir sans cette place; mais il n'en est pas moins vrai qu'elle lui est d'une très grande utilité en temps de guerre".
La Galissonière fait référence à la guerre de Succession d'Autriche (1744-1748, même si la France combattait depuis 1740), pendant laquelle Louisbourg a été prise une première fois par les Britanniques en 1745. Malgré la chute de ce "verrou du Saint-Laurent", Québec n'a pas été inquiétée jusqu'à la paix en 1748.

Lors de la décennie suivante, pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763, 1754-60 pour l'Amérique), Louisbourg a longtemps fait office d'obstacle aux Britanniques, ces derniers n'osant pas s'aventurer dans le fleuve sous la menace de la forteresse. Leur siège victorieux de Louisbourg en 1758 leur a ouvert une nouvelle voie d'invasion vers Québec, même si cet événement est à comprendre dans le contexte global d'un déséquilibre numérique écrasant en leur faveur (pour cela je vous invite à lire mon livre, disponible aux Presses de l'Université Laval).

À bientôt pour de nouveaux billets historiques!
Michel Thévenin

Sources: François Caron, La guerre incomprise ou les raisons d'un échec (capitulation de Louisbourg 1758), Vincennes, Service historique de la Marine, 1983, p. 195; Roland-Michel Barrin de La Galissonière, Mémoire sur les colonies de la France dans l'Amérique septentrionale, 1750; Michel Thévenin, "Une guerre "sur le pied européen"? La guerre de siège en Nouvelle-France pendant la guerre de Sept Ans", mémoire de maîtrise, Université Laval, 2018.


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